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Projet de loi Asile et immigration : une énième loi dégradant la situation des femmes migrantes

Projet de loi Asile et immigration : une énième loi dégradant la situation des femmes migrantes

« Notre système institutionnel permet de violer ou de battre une femme en toute impunité dès lors qu’elle est en situation irrégulière ». Voici l’alerte lancée le 25 novembre dernier par plusieurs associations et ONG dont La Cimade, la Fédération nationale solidarité femmes, le Planning familial, la Fédération nationale GAMS, Médecins du monde, ou encore Amnesty International France.

Le nouveau texte présenté par le gouvernement présage du pire pour les femmes migrantes. En cause, les mesures contenues dans ce texte, rejeté lundi 11 décembre à l’Assemblée nationale, sont toujours plus répressives. Elles risquent de dégrader et de précariser encore plus la situation des femmes migrantes, déjà très vulnérables. En adoptant la motion de rejet préalable sur ce projet de loi, nos député·es ont imposé un véritable camouflet au gouvernement. Avant le vote sur le texte issu de la commission mixte paritaire, la mobilisation doit rester entière. 

Les femmes sont en première ligne des causes de migrations

Les femmes représentent 52% des populations migrantes. Malgré ce chiffre, elles sont mises de côté, oubliées, et assimilées au simple regroupement familial. Traditionnellement stigmatisées et réduites au seul statut de  « rejoignantes », les causes initiales de leurs migrations sont invisibilisées. Elles peuvent migrer pour protéger leurs enfants en tant que mères, pour échapper à des situations de violences et de pauvreté, pour améliorer leurs moyens de subsistance ou celles de leurs familles, trouver de meilleures opportunités, ou fuir la guerre et la dévastation qui frappent leur propre pays. Si elles sont si nombreuses, c’est bien car elles sont en première ligne et particulièrement affectées par la précarité, les conséquences du changement climatique et les conflits armés. 70% des personnes les plus pauvres dans le monde sont des femmes, et sont bien souvent seules responsables de la subsistance du foyer souligne le dernier rapport du Cese. Des inondations, aux sécheresses, en passant par les tempêtes et l’accaparement des terres, l’état et l’accès aux récoltes les concernent donc au premier chef. Toute dégradation se répercute directement sur elles et sur l’alimentation de leur famille. Plusieurs associations et études soulignent d’ailleurs qu’à chaque catastrophe climatique et/ou humanitaire, les inégalités de genre sont exacerbées et les violences sexistes et sexuelles augmentent. 

Or, d’après le GIEC, les phénomènes météorologiques extrêmes devraient s’intensifier et se multiplier ces prochaines années, entraînant ainsi dans leurs sillages autant de possibles précarités alimentaires et décuplant les déplacements. Selon le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD), si rien n’est fait, 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim d’ici à 2080 à cause du dérèglement climatique. Au lieu de s’attaquer directement aux causes des migrations dont la France porte sa part de responsabilité, le gouvernement de Macron choisit de violenter les victimes fuyant les conséquences de leur inaction désastreuse et leurs politiques capitalistes et néolibérales. 

Femmes migrantes : la double peine 

Si les motifs et parcours migratoires sont multiples, les femmes migrantes sont toutes confrontées à une multitude de violences systémiques et répétitives, invisibilisées et banalisées. Ces violences sont pourtant d’une ampleur massive : 75,6% d’entre elles ont connu des violences sexuelles avant leur arrivée en France, et elles en vivent de nouveau une fois dans notre pays. Torturées, emprisonnées, exploitées, violées, victimes de crimes de guerre, de violences conjugales, d’excision, de mariage forcé, de proxénétisme ou d’esclavage, leurs besoins spécifiques ne sont pas pris en compte par nos institutions. Pas protégées, mal accueillies, leurs droits fondamentaux sont bafoués. Elles ont ainsi des difficultés à accéder aux préfectures, démarches administratives, institutions judiciaires, hébergements d’urgence, ou à déposer plainte contre les violences subies. Dans de nombreux cas, les violences conjugales peuvent continuer en toute impunité, car le risque de perdre le droit au séjour en quittant le domicile conjugal prédomine. Des atteintes physiques, sexuelles et psychologiques auxquelles la loi de Darmanin n’apporte évidemment aucune réponse. 

En France ou en Europe, elles sont confrontées à la fois au racisme et au sexisme, mais également au validisme, LGBTphobies, etc. Elles subissent des discriminations spécifiques dans de nombreux domaines : accès à l’espace public, au logement, à l’éducation, etc. Or, ce projet de loi prévoit un durcissement de l’accès au droit au séjour et à la naturalisation, conditionnés à l’apprentissage de la langue française, par exemple à la réussite d’un examen. Ces nouvelles exigences seront plus difficiles à atteindre pour des femmes qui vivent parfois sous emprise, s’occupent de leurs enfants, et ont un temps libre très limité.

Elles sont également exposées à des difficultés liées à l’emploi, les femmes et les étranger·es étant de manière générale sur-représenté·es dans les emplois précaires (contrat à durée déterminée, temps partiels imposés), pénibles, non déclarés, avec de faibles salaires et une mauvaise protection. Faute de pouvoir exercer leurs droits et victimes de dépendance économique, elles sont en première ligne des employeurs abusifs ou violents. Preuve en est, près de 30% des migrantes sont confrontées à des chantages sexuels pour obtenir un logement ou un emploi une fois en France. Elles travaillent notamment dans les métiers du soin et du lien qui ne seront pas considérés parmi les métiers « en tension » pour lesquels ce projet de loi souhaite attribuer un titre de séjour spécifique, créant ainsi des travailleurs exploitables et jetables à souhait. Leurs métiers font fonctionner des pans entiers de l’économie française à moindre frais et participent pourtant à leur invisibilisation. Dévalorisés, ce sont des secteurs où les syndicats peinent à s’implanter et où il est difficile de défendre collectivement ses droits. 

Par cette nouvelle loi, le gouvernement ne répond à aucune de ces problématiques et tend au contraire à les intensifier. Il prévoit par exemple la limitation de l’accès aux allocations familiales et à l’aide au logement, restreignant encore plus l’accès aux droits fondamentaux. Or, allonger le parcours de migration, le rendre plus difficile ou complexifier les démarches ne fait en réalité qu’exacerber les risques qui pèsent sur les femmes migrantes.

Suppression de l’AME : une mesure inhumaine 

Contre l’avis des médecins, contre l’avis des syndicats, contre l’avis même du gouvernement par la voix du ministre de la santé Aurélien Rousseau, le Sénat a sabré un autre droit unanimement reconnu comme nécessaire : l’Aide Médicale d’Etat (AME). Un démantèlement rendu possible grâce à la droite ayant soutenu cette proposition défendue de longue date par le Rassemblement National. Pourtant, le corps médical est unanime : le maintien de l’AME est une question de santé publique et de respect du droit à la santé, un droit universel. Déjà surexposé·es aux maladies en raison de leurs parcours migratoires et conditions sociales et économiques, limiter l’accès aux soins des migrant·es aurait pour conséquence une dégradation de leur état de santé, mais aussi plus globalement celui de la population toute entière. Cette suppression fera peser de grands risques sur notre système de santé déjà en grande souffrance et sur la santé de ces étranger·es éloigné·es des parcours de soin. Et parmi eux, les femmes se verront limiter dans leur accès aux droits et à la santé sexuels et reproductifs, aux frais médicaux éventuels en situation de handicap, et aux frais liés à la santé des enfants. Actuellement, grâce à l’AME, les femmes migrantes victimes de violences sexuelles ont (théoriquement) accès à une prise en charge psycho-sociale et des examens de prévention. Mais les mesures restrictives et retards de soin mettent déjà en péril leur santé, voire leur vie. La suppression de l’AME ne fera que précariser encore plus ces femmes et leurs enfants : elle limitera l’accès à la contraception, à l’avortement et à la santé pour tous et toutes. 

Les droits des femmes ne sont pas une variable d’ajustement au service de leur idéologie raciste 

De l’examen du texte au Sénat à la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, les débats démontrent que la droite et l’extrême droite ne défendent les droits des femmes que pour promouvoir un discours raciste et civilisationnel. Cette stratégie a un nom : le  « fémonationalisme », visant à instrumentaliser un discours féministe pour justifier des mesures anti-migrantes, xénophobes et islamophobes. 

Ce projet de loi a ainsi pour objectif de faciliter les expulsions pour les étranger·es et les obligations de quitter le territoire français (OQTF), en faisant passer la « menace » supposée que représenterait ces étranger·es avant le respect de leurs droits fondamentaux. Et puisque cette notion de menace ne correspond à aucune réalité tangible, la droite prétend s’intéresser aux femmes pour mieux dire sa haine des étranger·es. Par exemple, un député du Rassemblement National a récemment suggéré en Commission des lois que la mise en œuvre effective des OQTF  éviterait les violences, assimilant les étrangers à un danger public et illustrant son propos notamment par deux exemples de viols. 

Cette rhétorique participe à leur politique de « guerre des civilisations » pointant les étrangers comme principaux responsables des violences sexistes et sexuelles, en particulier dans l’espace public, afin d’alimenter les stéréotypes racistes. Mais elle repose sur un double mensonge. D’abord, elle invisibilise la réalité des femmes migrantes victimes de violences dans leur pays d’origine et qui se voient notifier d’OQTF, aveugles à leurs droits. S’il existe des persécutions liées au genre visant plus spécifiquement les femmes, telles que les mutilations sexuelles, stérilisations forcées ou l’exploitation sexuelle, elles ne sont pas encore pleinement prises en considération dans les motifs permettant d’obtenir l’asile. De même, les mesures contenues dans ce texte visant à raccourcir les délais des demandes auront des conséquences dramatiques pour toutes les femmes victimes de violences, mais aussi les femmes lesbiennes ou transgenres, persécutées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre et très peu protégées en France. Cela rendra impossible la préparation aux entretiens, l’accompagnement de ces femmes, la mise en confiance et la prise en compte de leurs parcours traumatiques et de leur droit d’asile, déjà trop peu considérés. Faciliter les expulsions tout en rendant plus difficiles les démarches revient donc à exposer davantage les femmes aux violences. Deuxièmement, cette rhétorique raciste et cet amalgame nient la réalité des violences faites aux femmes et leur diversité. Chaque année en France, près de 94 000 femmes sont victimes de viols ou tentatives de viols et plus de 165 000 enfants (plus de 130 000 filles et 35 000 garçons) subissent des viols ou tentatives de viols, en majorité incestueux. 9 victimes sur 10 connaissent leur agresseur et dans près de la moitié des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits. La majorité des viols sont ainsi commis par un proche. Les agresseurs sont nos pères, nos frères, nos amis, nos collègues. Le « mythe de l’inconnu » est largement démenti selon lequel les viols arriveraient majoritairement tard le soir, dans une ruelle sombre, commis par un individu jamais vu auparavant.

En ne s’intéressant aux droits des femmes que pour servir leur xénophobie, la macronie, la droite et l’extrême droite participent à la perpétuation de l’impunité, et notamment celle des puissants, surcriminalisant les classes populaires et les étranger·es au détriment des femmes. 

Pour une politique d’accueil non sexiste et humaniste : nos propositions

Ce projet de loi est donc une énième attaque contre les droits humains, politiques et sociaux des migrant·es. N’ayant nullement pour objectif de régler les problèmes d’accueil et protéger les femmes, cette surenchère sécuritaire rallie la droite et l’extrême droite autour de thématiques xénophobes et réactionnaires. 

Contre cette vision, La France insoumise propose de : 

  • Prendre en compte les violences subies par les femmes sur le parcours migratoires dans le cadre de la demande d’asile
  • Garantir l’accès effectif aux soins pour toutes les femmes migrantes face aux instrumentalisations politiques de l’aide médicale d’État (AME)
  • Refonder la politique européenne de contrôle des frontières extérieures, refuser la militarisation de la politique de contrôle des flux migratoires afin de sortir de l’impasse de Schengen et de Frontex, dont les missions et les actions ne sont pas compatibles avec le respect des droits fondamentaux
  • Inscrire dans la loi française le principe de responsabilité des pouvoirs publics à offrir un accueil digne
  • Régulariser tous les travailleurs et travailleuses sans-papiers et faciliter l’accès à la nationalité française pour les personnes étrangères présentes légalement sur le territoire
  • Rétablir la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence pour les étranger·es, respectant le droit au regroupement familial, régularisation automatique pour tout conjoint·e marié·e ou pacsé·e
  • Défendre la création d’un statut de détresse environnementale

Retrouvez toutes nos autres propositions pour garantir le droit d’asile, assurer notre devoir d’humanité, protéger les mineur·es non accompagné·es, et permettre une citoyenneté pleine et entière ici : https://programme.lafranceinsoumise.fr/livrets/migrations/

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