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Boîte à outils programmatique municipales 2026

Introduction par Clémence Guetté et Hadrien Clouet, responsables du programme de la France Insoumise

Le plus souvent, dans l’histoire de notre pays, les innovations et les bouleversements dans les villes, dans les communes, ont préfiguré les changements révolutionnaires dans la société tout entière. C’est vrai aussi en politique. Les cités affranchies du féodalisme ont inventé, petit à petit, le gouvernement représentatif, avant que celui-ci ne triomphe de l’absolutisme en 1789. La Commune de Paris, en 1871, a expérimenté avant le reste du peuple français la séparation des églises et de l’État, l’école laïque, gratuite et obligatoire ainsi que bien d’autres choses. Les socialismes et communismes municipaux au 20e siècle ont inventé la sécurité sociale avec les mutuelle ouvrière, le logement social avec les « habitations bon marché » (HBM), l’extension du service public, la création de la politique culturelle ou sportive, l’invention d’équipements comme les piscines municipales ou l’instauration du revenu minimum d’insertion (RMI).

Nous inscrivons notre vision de l’action communale dans cet héritage. Bien sûr, nous sommes capables aussi de reconnaître ce que des municipalités de tous bords politiques ont réussi. Mais nous portons une nouvelle vision de l’action communale. Les communes que dirigeront les équipes soutenues par les insoumis iront plus loin. Nous voulons qu’elles imaginent et mettent en place de nouveaux outils permettant d’étendre le droit d’intervention des citoyens dans les affaires communes. Ce sera le moment d’étendre le domaine de la propriété communale des biens communs et celui des droits du vivant sous toutes ses formes.

Pour la France insoumise, donc, les prochaines élections municipales constituent une nouvelle étape. Celle où les insoumis partiront, avec d’autres, sur la base de garanties programmatiques exigeantes, et à défaut sous leurs propres couleurs, et avec leurs propres contenus. Un moment de plus où notre peuple pourra récupérer les outils proposés par les insoumis pour exprimer sa volonté d’en finir avec le régime insupportable qu’il subit. Cette volonté commande notre choix d’être en symbiose avec la volonté dégagiste des milieux populaires et l’exigence de vivre une existence digne chez soi. Nous serons une fois de plus au rendez-vous de notre projet : rendre le pays à ceux qui le font vivre. Telle est notre orientation stratégique depuis dix ans qu’a été créé le mouvement insoumis. Elle a été poursuivie avec rigueur et abnégation en dépit des insultes, des attaques, des agressions et des menaces incessantes.

Cette exigence politique s’oppose absolument à tout compromis avec les mauvaises habitudes des roitelets locaux de tous bords quand ils ont fini par confisquer le pouvoir municipal. Aucun insoumis n’a pour objectif de se transformer en notable, ni de créer une caste de bureaucrates territoriaux qui croient tout savoir mieux que les administrés – notamment quand ceux-ci et celles-ci sont des jeunes, des femmes ou des habitants des quartiers populaires. Alors, il faut regarder l’histoire récente de l’échelon municipal sans naïveté. La politique au niveau local, surtout dans son échelon intercommunal, tellement éloigné du vote et de la surveillance citoyenne, a largement contribué à créer la culture du « ni droite, ni gauche ». Dans ces cénacles opaques, la politique a été bannie au profit des arrangements asphyxiants sous couleur de simples « solutions techniques ». Le consensus y a été sanctifié et la différence d’idées bannie sous prétexte de refus du conflit. 

L’argent, il faut le dire, joue trop souvent un rôle d’influenceur. Car une ville, petite, moyenne ou grande, c’est un gâteau juteux pour les oligarques de l’immobilier, du BTP, les monopoleurs de l’eau, des déchets, des transports ou dans la période récente pour les seigneurs féodaux du numérique. « Attractivité du territoire », « partenariats publics privés », « renouveau urbain », « marketing territorial » sont les mots ronflants pour habiller une réalité bien laide : la vente à la découpe de nos villes aux intérêts privés. Et bien sûr, comme à chaque fois que politique et argent se cajolent d’un peu trop près, il est toujours possible que la corruption n’en soit jamais loin.

Disons-le tout net : de cela, dans la politique communale de la France insoumise, il n’en sera jamais question. Les insoumis ne s’intéressent pas à l’échelon municipal en y voyant des opportunités de carrière, des postes à occuper. Pour nous, la commune est avant tout un outil au cœur de notre objectif politique : la révolution citoyenne. Nous visons une rupture concrète avec l’ordre établi, écologique, institutionnel, économique, social. L’expression « citoyenne » signifie que le moyen est la récupération par le peuple des institutions de la démocratie. Bien sûr, la révolution citoyenne ne peut pas être réalisée dans une seule commune. Ni même en gagnant les élections dans plusieurs communes en même temps. La place institutionnelle, les ressources financières, l’échelle productive des territoires communaux ne le permettent pas. Mais, peut se forger dans les communes la culture de l’intervention populaire permanente, mettant sur pied les pratiques, les habitudes et le nouveau rapport aux élus nécessaires pour construire la révolution citoyenne à l’échelle nationale. Elles sont un espace pour l’approfondissement de la souveraineté populaire. Ce n’est pas tout. L’une des tâches centrales de la révolution citoyenne sera de rompre avec le mode de production, de consommation et d’échange pour mettre les êtres humains en harmonie entre eux et avec la nature. La planification écologique est le moyen concret pour faire cela. Et les institutions, les structures de base de la planification écologique, où sont-elles ? Dans les communes. C’est à ce niveau que peut se régler la délicate gestion des besoins réels. À ce niveau également que se gère le goutte-à-goutte des investissements. En amont et en aval, ce que le marché ne saura jamais faire, c’est à la démocratie communale de le réaliser. Bien évidemment, il reviendra aux municipalités vouées à cet idéal de commencer à mettre en place les régies publiques, les sociétés publiques locales, les inventaires biosphériques, et de constituer les savoirs faires dont la planification écologique aura besoin le moment venu à tous les autres niveaux de décision publique.

2026 marquera la dixième année d’existence de la France insoumise. 10 ans, c’est un âge jeune pour un mouvement politique. Songeons-y : dans ce délai, la SFIO de Jean Jaurès avait atteint un maximum de 16 % des voix dans une élection nationale. Le Parti Communiste Français, lui, 11 %. Les Insoumis ont réussi la prouesse d’atteindre dans ce laps de temps le score de 22 %. Ils sont aussi devenus le premier groupe parlementaire de gauche à l’Assemblée nationale. Les deux grands partis du mouvement ouvrier français du 20e siècle n’en comptaient pas tant quand ils ont soufflé leurs dix premières bougies. Que de chemin avons-nous parcouru ! Dans nos succès, le plus significatif est celui d’avoir installé dans l’opinion et dans les débats publics un programme de rupture avec l’ordre établi. L’Avenir en Commun a été validé par près de huit millions de nos compatriotes. Son empreinte est durable. Il a fédéré entre eux des gens qui, d’une position particulière, en sont venus à une compréhension commune globale des tâches politiques à accomplir pour notre pays. Les programmes municipaux sont chargés de réussir le même travail au niveau communal ! 

Précisions méthodologiques

  •  La boîte à outils programmatique insoumise pour les municipales n’a pas vocation à remplacer le programme de chaque liste soutenue par la France insoumise dans les communes.
  • Les insoumis·es ont adopté à l’occasion de leur Assemblée représentative de décembre 2024, 9 garanties programmatiques qui constituent les points de programme qui doivent absolument être présents dans un programme municipal pour qu’il soit soutenu par la France insoumise.
  • La présente boîte à outils a vocation à lister, thème par thème, les mesures qui peuvent constituer un programme de rupture complet et couvrant tous les domaines de l’action publique municipale. Elle est à la disposition des insoumis·es pour les aider et les guider dans le travail programmatique local, qu’elle ne remplace pas.
  • Dans le but d’aider à constituer des programmes « prêt à gouverner », chaque mesure (407 en tout) est accompagnée de précisions sur le type de commune qu’elle concerne (petites communes / moyennes communes / grandes communes / toutes communes), sur le partage des compétences entre niveau communal et intercommunal, sur le coût des 
    mesures Cout 0Coût 1Coût 2Coût 3

    Bien sûr, toutes ces qualifications sont des estimations.

  • Les insoumis·es comptent déjà dans leurs rangs des élu·es locaux. Là où ils sont, ils tâchent de mettre en place des politiques de rupture. Quelques exemples de ce que ces élu·es font sont disséminés dans la boîte à outils.
  • Un programme municipal se déploie sur un mandat de 6 ans. Certaines ruptures proposées par les insoumis·es mettront plusieurs années à être mise en œuvre, même si tout commencera à l’être dès le premier jour. Mais d’autres peuvent en quelques mois produire des effets notables sur la vie des gens. C’est le sens des mesures regroupées sous la catégorie « Ce qui peut changer dès la première année du mandat » en début de chaque partie. Ces regroupements ne sont pas exhaustifs, ils visent plutôt à montrer très concrètement comment l’étape communaliste de la révolution citoyenne peut faire entrer le pays dans une nouvelle ère politique

Les garanties programmatiques :

Les insoumis·es ont adopté, à l’occasion de leur Assemblée représentative de décembre 2024, 9 garanties programmatiques qui constituent les points de programme qui doivent absolument être présents dans un programme municipal pour qu’il soit soutenu par la France insoumise.

1 - COMMENCER LA RÉVOLUTION CITOYENNE DANS LES COMMUNES

Instaurer un référendum d’initiative citoyenne municipal et s’engager à convoquer des référendums locaux pour les grands projets structurants pour la commune. Faciliter l’exercice du droit de propositions des élu·es de l’opposition comme de la majorité (ordre du jour du conseil municipal, droit d’amendement, motions…). 

2 - GÉRER LES COMMUNS PAR DES RÉGIES PUBLIQUES

Lancer dès l’accession aux responsabilités municipales une revue générale de toutes les délégations de services publics au secteur privé (DSP) et de tous les partenariats publics privés (PPP) afin de déterminer un plan de retour en régie publique, en commençant par les communs essentiels comme l’eau, la production d’énergies renouvelables, les transports en commun, la restauration scolaire ou la gestion des déchets. Les régies publiques devront permettre aux usager·es et aux agent·es de siéger dans les conseils d’exploitation ou d’administration. Garantir de cette façon des services publics communaux pour couvrir les besoins essentiels de l’existence : se loger, se nourrir, boire, se déplacer, se cultiver, se soigner… 

3 - INSTAURER LA RÈGLE VERTE COMMUNALE

Refuser d’accorder des permis et des autorisations pour des activités polluantes et écocides. Réduire la tarification des transports en commun pour faire la gratuité en commençant par les moins de 25 ans, les privé·es d’emploi et les usager·es disposant de faibles revenus. Faire un moratoire sur les zones à faibles émissions (ZFE) en attendant de déployer des mobilités alternatives. Développer des « mines urbaines » municipales : déchetteries, recycleries, ateliers de réparations… 

4 - INSTAURER DES COMMUNES ZÉRO CHÔMEUR POUR LE DROIT À L’EMPLOI

Développer une politique locale de garantie d’emploi notamment en faisant entrer les communes ou intercommunalités dans le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », en tenant compte des bilans tirés, notamment par les syndicats et actionner tous les leviers pour favoriser l’emploi local de qualité : commande publique, fonction publique… 

5 - TUER LA SPÉCULATION IMMOBILIÈRE

Mettre sous contrôle le marché du logement en augmentant la part de logement public, en appliquant partout où c’est possible l’encadrement des loyers et en développant l’accession à la propriété non spéculative (via les offices fonciers solidaires, l’habitat coopératif, etc.), notamment par l’exercice du droit de préemption. Mettre fin au clientélisme dans l’attribution des logements sociaux en transformant le « quota du maire » en quota du conseil municipal, soumis à discussion après élaboration d’une grille claire de critères. Fixer l’objectif de communes zéro sans abri, zéro passoire thermique, zéro habitat insalubre.

6 - PASSER À UNE ALIMENTATION 100 % BIO ET LOCALE DANS LES CANTINES ET LES RENDRE GRATUITES

Organiser la conversion de tous les repas des cantines scolaires en bio et produits locaux, avec introduction d’options végétariennes quotidiennes. Instaurer progressivement la gratuité en commençant par renforcer la progressivité des tarifs pour les petits revenus et la gratuité immédiate pour les familles en dessous du seuil de pauvreté. Participer parallèlement à la conversion de l’offre agricole locale en bio, par exemple par la mise en place de zones agricoles protégées. 

7 - FAVORISER L’ÉCOLE PUBLIQUE ET LAÏQUE

Réaffirmer le rôle central de l’École de la République dans la construction de la citoyenneté. Appliquer strictement la loi pour les subventions de fonctionnement aux établissements scolaires privés et refuser tout financement public pour la construction d’établissements scolaires privés ou leur rénovation ainsi que pour les associations confessionnelles. 

8 - FAIRE DES COMMUNES ACTIVEMENT ANTIRACISTES, FÉMINISTES ET INCLUSIVES

Créer des observatoires communaux ou intercommunaux des discriminations, en collaboration avec les associations et les habitant·es, capables de mener des actions de testing et former l’ensemble des agent·es de la collectivité sur ces enjeux. Constituer la municipalité partie civile des plaintes des victimes de racisme, sexisme et LGBTIphobie. soutenir la présence de centres de planification familiale. Combattre le validisme. Renforcer les moyens en faveur d’un accueil digne des exilé·es. 

9 - DES COMMUNES ENGAGÉES POUR LA PAIX

Défendre la paix dans le monde et la justice pour les peuples. Par exemple, faire voter par le conseil municipal une motion pour soutenir le cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza et au Liban, la reconnaissance de l’État de Palestine, et demander un embargo sur les exportations d’armes au gouvernement de Netanyahou.

Table des matières